░ Contexte et enjeux contemporains
À une époque où les drones civils à usage militaire deviennent des outils essentiels d’observation et d’attaque, voir le cas de la guerre russo-ukrainienne avec l’usage de drones FPV du groupe tactique ukrainien Medoyid, 2022, ou encore sur les avancées du conflit au Haut-Karabagh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, 2023, cette thèse cherche à étudier l’évolution des dispositifs graphiques de camouflage face à l’usage croissant des drones en contexte de guerre, afin d’identifier comment ces techniques révèlent de nouvelles formes de tactique (De Certeau, 1980) face à des menaces aériennes émergentes.
Les drones, avec leur capacité à capter et retransmettre des images en temps réel en survol à basse altitude, imposent une redéfinition des pratiques de camouflage par la nouvelle perspective qu’ils offrent sur le territoire (Grevsmühl, 2014). Tant pour les forces armées que pour les populations civiles, la protection visuelle par camouflage graphique — incluant les objets, tissus, motifs mais aussi les camouflages thermiques, électroniques ou acoustiques — reste un enjeu stratégique. Ces tactiques doivent désormais intégrer des dimensions graphiques et technologiques pour s’adapter à ces nouvelles visées de guerre.
Alors que les recherches actuelles sur le camouflage se concentrent principalement sur les aspects technologiques ou matériels (matériaux, revêtements, peintures absorbantes) — "Asymmetric Composite Metasurface", Yanzhao W., 2024 — cette recherche se focalise sur les aspects visuels et esthétiques du camouflage à l’ère des conflits « vus d’en haut », amorcés notamment par l’utilisation massive des drones par l’armée américaine en Afghanistan (opération "Haymaker", 2001 ; "Drone Papers", 2015).
Un premier temps d’analyse portera sur l’évolution des pratiques de camouflage en relation avec le corps percevant ("Phénoménologie de la perception", Merleau-Ponty, 1945), afin de situer ce nouveau paradigme dans une pratique préexistante. Cette recherche croisera la notion d’opérabilité des images dans la prise de décision et l’orientation stratégique, où le visuel devient un agent actif des processus opératoires (Farocki, 2000 ; Parikka, 2019).
L’évolution des technologies, combinée à la diversité écologique des territoires (topographies, climats, urbanisme), exige une articulation fine entre innovations techniques et spécificités locales. L’usage des drones, dans la lignée des caméras, soulève également la problématique algorithmique de la reconnaissance de patterns, en grande partie automatisée.
Les stratégies de camouflage, en mutation face aux drones, pourraient influencer des domaines plus larges comme l’urbanisme, le vêtement ou le design graphique, contribuant à une culture de la résistance visuelle. Cette recherche ambitionne ainsi de nourrir une meilleure compréhension des enjeux esthétiques liés à la protection en contexte de conflit, et d’ouvrir des pistes pour de nouvelles pratiques visuelles.
La problématique de cette thèse porte sur la nécessaire adaptation visuelle des dispositifs de camouflage graphique face aux stratégies militaires utilisant des drones civils. Avec leurs capacités de surveillance en temps réel, les dispositifs traditionnels deviennent inopérants. Comment, dès lors, des tactiques low-tech peuvent-elles répondre à des technologies d’observation de plus en plus sophistiquées ? Cette tension, révélatrice d’une désynchronisation technologique, pose des enjeux cruciaux pour la protection des civils et des militaires, et invite à repenser les approches graphiques et esthétiques du camouflage en zone de conflit.